A Mohéli, foyer de l'opposition au prolongement du mandat du président de l'Union des Comores Ahmed Abdallah Sambi, les Anjouanais sont montrés du doigt et mis en demeure de choisir: "être un vrai Mohélien ou quitter l'île".
Leur tort: être originaire de l'île d'Anjouan, comme le président Sambi, dans un contexte où la population de Mohéli réclame avec force la présidence des Comores comme le prévoit le système de "présidence tournante" de cet archipel de l'océan Indien.
M. Sambi, dont le mandat de quatre ans prenait fin le 26 avril, a obtenu en mars la prolongation de sa présidence jusqu'à fin 2011, au terme d'une réforme constitutionnelle contestée et d'un Congrès boycotté par l'opposition.
Depuis, la défiance d'une partie des Mohéliens envers les Anjouanais installés dans leur île s'est aggravée. Archipel de 630. 000 habitants qui figurent parmi les pays les plus pauvres de la planète, les Comores sont composées de trois îles (Grande Comore, Mohéli, Anjouan).
En début de semaine, un groupe de manifestants a envahi le petit marché de Fomboni, la "capitale" de Mohéli, pour chasser les commerçants anjouanais qui constituent la majorité des vendeurs, saccageant leurs échoppes et leurs stands. Le marché est à présent quasiment déserté.
«Lorsque j’ai vu les jeunes s’exciter et proférer des menaces contre les Anjouanais, j’ai fermé mon magasin et je suis rentré tranquillement à la maison", témoigne Abdallah Hauthou, commerçant d’origine anjouanaise installé sur l’île depuis bientôt sept ans.
Selon lui, une commerçante anjouanaise installée quelques mètres plus loin a été contrainte de fermer son magasin, installé dans un conteneur, sous les menaces des jeunes émeutiers parce qu’"elle a voulu leur tenir tête".
M. Hauthou relativise toutefois les menaces pesant contre les Anjouanais de Mohéli: "Beaucoup ont pris femme ici, avec des enfants, des liens se sont naturellement noués depuis longtemps. Je ne crois pas à des représailles contre les Anjouanais" qui représentent environ 30% de la population mohélienne.
"Tous mes amis, politiciens ou simples gens, sont des Mohéliens! C’est à Mohéli que je gagne ma vie. On défend les intérêts de Mohéli, je défends la tournante mohélienne", dit-il en désignant son magasin bien achalandé d’environ 20 m².
Fundi Hassan, lui, a reçu cette semaine dans sa menuiserie du quartier Salamani à Fomboni la visite d’un groupe de femmes venues l’avertir de faire un choix, "être un vrai Mohélien ou quitter l'île", avant que le groupe ne se rende au marché répéter le même message.
"Je ne fais plus de politique en faveur de Sambi!", se défend-il. "Mon tort, c’est vrai, c’est d’avoir participé à son élection en soutenant ici son vice-président Ikililou Dhoinine. Tout ce beau monde nous a lâchés, mais l’image de Sambi me colle toujours à la peau", se désole cet Anjouanais installé à Mohéli depuis 1992.
Hamada Mmadi, chef du quartier Salamani, a été lui aussi menacé d’expulsion par un groupe de jeunes. Il n’est pourtant pas Anjouanais, mais Grand-Comorien: son tort est d’être l’ami d’Hassan.
Dans les quartiers à dominante anjouanaise comme Kanaleni ou Hadoudja, les Anjouanais restent peu loquaces et soulignent que, pour l'instant, il s'agit surtout de menaces verbales.
"Ce sont des choses politiques, nous on est là pour travailler. Mais quand il y a des problèmes, on cherche les petits comme nous", témoigne l'un d'eux, qui a requis l'anonymat.
Source : AFP